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La FED est-elle responsable du désordre monétaire mondial ?

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Lorsqu’en septembre 2008 la crise financière éclate, la FED avec à sa tête Ben Bernanke décide de soutenir sans limite le système financier américain. Elle baisse brutalement son taux d’intérêt directeur et entame un programme d’achats à grande échelle d’actifs financiers et de bons du Trésor américain. Une politique monétaire accommodante dite d’assouplissement quantitatif, « quantitative easing », commence alors. La quantité totale de liquidité créée depuis est considérable. Cependant, en décembre 2013 la FED a annoncé qu’elle entendait diminuer progressivement ses achats d’actifs. La fin de cette politique sans précédent dans l’histoire est donc à l’horizon, mais le retour à la normale d’une économie droguée à la création monétaire sera difficile. Les conséquences néfastes d’une telle politique se font d’ailleurs déjà sentir dans le monde entier.

L’objectif principal de la politique non conventionnelle de la FED était de soutenir les établissements financiers en leur apportant des capitaux frais. Ce renforcement devait in fine permettre aux banques américaines de prêter plus aux entreprises et aux ménages américains, et ainsi stimuler l’économie réelle. Or une grande partie de cet argent n’a pas été réinvesti dans l’économie américaine mais dans les pays émergents en croissance. Cependant maintenant que la croissance est de retour aux Etats-Unis (le FMI prévoit cette année 2,6%), la FED réduit la voilure. Les capitaux font donc le mouvement inverse et reviennent aux Etats-Unis. La livre turque a ainsi perdu plus de 10% depuis la mi-décembre. Le peso argentin a perdu plus de 14% cette semaine. La roupie indienne, elle aussi, n’est pas épargnée. La politique non-conventionnelle de la réserve fédérale américaine est donc à l’origine de mouvements erratiques de capitaux qui déstabilisent les pays émergents. Le deuxième objectif, celui-ci non-dit, est de faire baisser le dollar. En effet en inondant le marché des changes de dollar, la FED produit une offre de dollar très forte qui fait baisser la valeur du billet vert par rapport aux autres devises. Le dollar étant à la fois la monnaie de réserve des banques centrales, et la monnaie du commerce mondial, les Etats-Unis sont certains de trouver des acheteurs à des titres en dollar, car le monde entier souhaite investir les dollars qu’il a accumulés. Les Etats-Unis bénéficient donc d’un immense privilège. Selon les statuts de la BCE son objectif premier est la stabilité des prix, elle n’a donc pas de réelle politique de change. Par conséquent l’euro est la variable d’ajustement du système monétaire mondial et s’apprécie face au dollar, ce qui nuit fortement à l’économie européenne. Une note récente du Conseil d’Analyse Économique, évalue « qu’une baisse de 10 % [de l’euro] permettrait une augmentation des exportations de 7 % à 8 % ». Un euro vaut aujourd’hui plus 1,36$. La politique non-conventionnelle de la FED a certes permis d’éviter que la crise de 2008 ne se transforme en terrible dépression cependant elle est responsable des désordres monétaires actuels.

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